Du
« socialisme » au XXI° siècle ; le cas de l'Oasis.
« La vrai générosité
envers l'avenir consiste à tout donner au présent » Albert
Camus.
Citation de Christine Bost
dans « Mag'Eysines », le magasine des Eysinais, Janvier
2017.
Samedi 29 Octobre 2016,
depuis quelques jours, il y a âmes qui vivent au 5 rue Jean Tougne. En effet, d'étranges humains
furtifs y logent, rompant ainsi avec quatre années de vacance.
C'est un grand jour. Le bruit
a couru, des copain.e.s sont venu.e.s. On se retrouve, on démure un
peu, on s’engueule. Normal, c'est une sacrée pression qui
s’échappe ; avec l'affirmation du domicile, l'illégal
appartient au passé, des SDF ne le sont plus.
Déjà, certains partent et
d'autres arrivent. Il en sera toujours ainsi ici. Qui sont ces
courageureuses qui ont osé s'affranchir d'une loi, et pourquoi ?
Eux seul.e.s le savent. Je sais juste qu'illes ont eu la générosité
de donner un domicile. Qu'ils et elles en soient remerciées !
Quelques jours passent au
rythme des coups de masses les moins dérangeants possibles. On
rencontre les voisins, la police municipale, les élues, la
nationale, l'huissier... On se présente.
On s'installe vite, on
s'active, tout est à refaire ici.
Murées depuis plus de trois
années, les maisons ont souffert. Du vandalisme qui a précédé
aussi. Quelques tuiles changées, les vitres remplacées, un peu de
chauffage, de la vie, les aiderons à se sentir mieux.
Arrivent les premiers
naufragé.e.s. Car c'est ce qu'on est quand on aborde un nouveau
squat, une terra incognita, inconnue
mais pleine d'espérance, celle d'une situation meilleure, d'un chez
soi.
Ici ont dormi, pour une nuit
ou quarante, une famille albanaise, un sans-papier, une enfante
d'Eysines, un ex taulard, un ex gendarme, une zadiste, un infirmier,
une animatrice, un jeune couple, une petite fille avec ses
grands-parents, un gosse en errance, trois voyageurs de retour du
Brésil, une humanitaire, un débrouillard, un ex assureur, une
rêveuse, un gitan, quelques chiens, deux chats… et j'en oublie la
moitié.
Ici on fait de la réup. Ça
s’appelle les « Enfants De Coluche ». On redistribue
aussi. Avant, certains d'entre nous faisaient les poubelles. C'est
fou ce qu'on trouve dedans, vous savez ?
Mais souvent c'est illégal.
Il y a eu des condamnations et bien plus de gardes à vues de 2h du
mat… pour manger ce qui était jeté !
Alors on fait ça légal
maintenant, et aussi pour les autres. Et on s’arrête pas à la
nourriture. On est très vite devenu une espèce de braderie
permanente où les gens déposent et/ou prennent des trucs
gratuitement.
Certains s'impliquent dans
les tablées de la rue Sainte Catherine. L'idée était de
transformer et partager ce qui allait se perdre des récups. Quelques
semaines, achats, dons, partenariats plus tard, nous vous donnons RDV
en face du Mac Do tous les mercredis et samedis de 20 à 22h pour
partager un repas chaud.
On a une grande maison dont
quatre pièces sont occupées par des familles. En bas, c'est la
cuisine collective, on restaure la boisinière. La dernière pièce
est celle des enfants, avec des jouets et une table, pour recevoir
les dons et boire un café.
Face à l'entrée, le parc
avec un bel arbre au milieu. Son ancien protecteur nous a soufflé
comment le bichonner et nous l'entourons. Une tente marabout, une
nuit debout, le barbylone II, des jouets d'enfant et des vélos ont
remplacé le lierre qui avait tout envahi.
Un potager poussera au
printemps, peut-être des poules, des grenouilles et plein d'idées
fantastiques aussi…
C'est surtout pour cette
maison que nous voulons le courant. C'est mieux pour les familles et
ça facilitera les travaux.
Des travaux on en fait aussi
sur notre maison de terre. On isole les combles et on s'essaye à
l'autonomie énergétique sur 12V. On fait au feu de bois, chauffage
et cuisine. C'est cool, on se sent plus proche d'un rythme naturel
sans l'atome.
On bosse aussi sur les
ateliers, big up aux potes pour la charpente, et sur notre future
zone d’activités associatives. Pour le moment c'est plein de
cartons ; venez nous aider ;-)
Celle qui ne nous aide pas,
c'est la mairie « socialiste » d'Eysines en parfaite
collaboration avec notre propriétaire, Bordeaux Métropole la
« républicaine ».
Pourtant ce terrain nous
appartient, pour un millionième, à nous toutes et tous qui habitons
ce qu'est devenue la Communauté Urbaine de Bordeaux, toujours
dirigée par notre bon Alain Juppé.
Non seulement la métropole
veut nous déloger et porte plainte, mais elle fait également couper
les câbles d'alimentation depuis la rue par ENEDIS, en présence de
la police municipale et d'une adjointe au maire. Ce jour-là, à un
geste près du technicien, on aurait pu être raccordé. Mise en
sécurité qu'ils ont dit, un 30 novembre et après quatre ans
d'inoccupation.
(Notez la sécurisations des lignes... et liannes!)
Bien-sûr, les restes des
installations préexistantes sont inexploitables. Alors, on a posé
une belle terre (sécurité en électricité) avec un tableau tout
neuf, raccordé correctement au compteur et signé un contrat avec
EDF le 19 décembre.
Un technicien est venu, a
pris des photos et dit qu'on serait vite rappelé. Une semaine et
quelques coups de téléphone plus tard, une équipe vient. Ils
commencent à travailler et s’arrêtent sur un appel. « On
peut pas parce qu'on vient de me dire que c'est insalubre. -
Pardon ??! »
Qu'a cela ne tienne ! A
deux on va demander le prêt d'un compteur de chantier, à la
mairie ; refus pour raisons politiques assumées. On débarque
chez EDF qui finit par appeler les flics. On interroge enfin ERDF,
pardon ENEDIS. Le blocage provient en fait
d'un ordre oral de la mairie.
On aurait pu brancher à la sauvage…
Bon sang, on a prévu de payer en se cotisant ; assos,
hébergé.e.s et soutiens. On a reçu près de 200 euros de soutien
sur internet via les Ami.e.s Du Sherby ; de quoi payer quelques
mois, merci!
Les autorités et
collectivités territoriales sont garantes, pour tout domicile, de
l'accès à l’énergie et non de son empêchement. Décideurs, s'il
vous plaît, respectez la Loi.
Êtes vous fiers de votre
bilan quand il y a un peu plus de 1000 places d'accueil d'urgence
pour 5000 Sans Domicile Fixe devant bien plus encore de chambres
vides dans la métropole?
M. Dartout, monsieur le
préfet, chevalier de la légion d'honneur, allez-vous réquisitionner
au lieu d'expulser ?
M. Juppé, maire de Bordeaux,
président de Bordeaux Métropole, allez-vous ouvrir toutes ces
maisons préemptées au lieu de continuer à fermer les yeux sur les
nécessités ?
Mme. Bost, maire d'Eysines,
conseillère départementale de Gironde, allez-vous nous aider à
aider au lieu de laisser les familles grelotter devant votre mairie ?
Nous avons seulement besoin
d'un OUI du bon coté. Cela coûterait tellement moins à tous…
Le juge, lui, rendra son
verdict le 2 Février. On a demandé un an. Ce soir on fait une
auberge espagnole, rencontrons-Nous.
« Ce n'est
pas à nos gouvernements de nous dire comment être solidaires. C'est
à nous de leur montrer la société que nous voulons »
L'Abbé Pierre.
A
l'Oasis, lieu autogéré solidaire et social.
Le 13 Janvier 2017,
jour du procès, pleine lune et un jour.